Pourquoi préfère-t-on (généralement) les livres imprimés aux ebooks ? (article d'Antoine Oury, paru le 8/OI sur Actualitté ?)
C'est un constat que l'on fait volontiers : les ouvrages imprimés sont le plus souvent préférés par les lecteurs, face aux livres numériques. Mais il serait peut-être intéressant de s'interroger sur les raisons qui nous poussent à préférer un format par rapport à un autre, étant donné que le texte reste le même. Une thèse de Mark Angelo Cela, publiée en 2018 à l'université de Miami, propose quelques réponses.
Intitulée « L'attachement émotionnel unique au livre analogique par rapport aux équivalents numériques », la thèse de Mark Angelo Cela porte sur des questions de design : l'objectif de l'auteur était de comprendre pourquoi le livre imprimé reste si important aux yeux des lecteurs, quand d'autres moyens de lecture numériques, parfois plus accessibles, moins coûteux et plus pratiques, dans la mesure où des centaines de titres sont disponibles sur un même appareil.
La méthode adoptée par l'auteur de la thèse est simple : des entretiens, menés de visu ou par internet, auprès de 184 personnes âgées de plus de 18 ans et impliquées dans la lecture d'au moins un livre par mois, originaires d'un peu partout dans le monde.
À partir des réponses des personnes interrogées, Mark Angelo Cela a tiré quelques conclusions : la première d'entre elles avance que les livres imprimés attirent davantage « parce qu'il semble que les humains ont une capacité innée, voire le besoin d'attacher une signification à des objets physiques », explique-t-il. C'est cette capacité qui nous fait apprécier un porte-bonheur ou le souvenir d'une personne aimée.
Cette charge émotionnelle est si forte qu'un papier de chewing-gum, comme un fétiche, peut devenir inestimable aux yeux d'une personne, souligne l'auteur de la thèse.
C'est l'une des raisons qui expliquent l'attachement si fort aux livres imprimés : leur matérialité permet plus facilement d'y associer des souvenirs ou un état d'esprit. À l'inverse, le livre numérique semble trop évanescent pour faire de même. Par ailleurs, des études ont suggéré que la mémorisation des textes lus sur un écran serait différente de celle sur papier : peut-être que le livre imprimé nous permettrait de mémoriser une histoire par le biais des conditions de lecture de cette histoire (environnement, état émotionnel, etc.)...
L'autre raison, citée en majorité, c'est bien sûr celle de l'aspect sensoriel du livre imprimé : la fameuse odeur du livre neuf, ainsi que le toucher lié à la texture du papier. L'essentiel de la vie de lecteurs, pour une majorité d'entre eux, a été passé avec des livres imprimés, ce qui a généré une certaine habitude de la matérialité... On retrouve aussi un élément visuel indiscutable, la couverture du livre, que les versions numériques n'ont pas encore réussi à égaler.
Reste maintenant à comparer les différentes formes d'art entre eux : si le livre reste préféré au format imprimé, par exemple, la musique, et plus encore l'audiovisuel sous toutes ses formes, se sont beaucoup plus facilement fait accepter par le public de manière dématérialisée.
L'intégralité de la thèse de Mark Angelo Cela est accessible à cette adresse.